Le métrocâble, par son inadéquation avec les besoins de déplacements réels, par la perte de temps dûe aux correspondances ajoutées, et par son coût élevé au km par voyageur, n’est pas un investissement public pertinent pour l’agglomération Grenobloise.
Le projet est disproportionné par rapport aux besoins actuels et futurs
Ce projet crée un besoin de toutes pièces. Il ne répondra nullement aux besoins des habitant-e-s déjà implanté-e-s dans les zones desservies. C’est un projet conçu essentiellement :
- Pour les travailleurs-ses de la Presqu’île scientifique((Bilan de concertation, page 11, le nombre de déplacements sur la Presqu’île passe de 50.000 en 2007 à 120.000 en 2030 : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=CJ1P83svch72)), qui disposent déjà de nombreux modes de transport (parking dans les entreprises, tram, vélo, nombreuses lignes de car région directes depuis le Voironnais, le Vercors (ex-Transisère)).
- Pour anticiper des besoins de mobilité sur un secteur en pleine transformation puisqu’il desservira plusieurs projets d’aménagement (Projet ZAC Portes du Vercors à Fontaine Sassenage, aménagement de la Presqu’île et de l’esplanade à Grenoble). C’est le SMMAG lui-même qui nous l’affirme, « Ces milliers de nouveaux logements et de locaux d’activité devraient entraîner l’arrivée de milliers d’habitants et d’emplois d’ici 2030, engendrant mécaniquement une augmentation des besoins en matière de mobilité. »((Bilan de concertation, page 10: https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=CJ1P83svch72)).
Le projet Esplanade a réduit sa voilure, il prévoyait initialement en 2013 1000 logements à l’échéance 2025((Dossier de réalisation de la ZAC Esplanade, 2013 : http://eric.monte.free.fr/CM-13-11-18/ConfPr%E9sidents/ZAC_Esplanade/ZAC_Esplanade_Partie%20B_Complement%20Etude%20impact-CM18nov13.pdf)), il prévoit désormais 850 logements à l’horizon 2035((Projet Esplande, site de la ville de Grenoble : https://www.grenoble.fr/558-esplanade.htm)). Une passerelle piétons-cycle est intégrée à ce projet pour traverser en direction de la Presqu’île, si bien qu’un trajet Esplanade – CEA fera à peine plus d’un kilomètre (à pied ou en vélo), mais nécessiterait 2 changements en transports en commun en passant par le câble (tram E, câble, tram B) ou un seul en passant par le centre ville (tram E, tram B)
De la même manière, la ZAC Presqu’île a d’ores et déjà été aménagée en grande partie : le programme immobilier Îlot Cambridge commencé en 2016 est presque entièrement construit, de nombreuses entreprises se sont installées depuis cette date non loin la place de la Résistance : Crédit Agricole, Schneider Electrics, Xenocs (toutes ayant déménagé depuis d’autres sites de l’agglomération : pas de création d’emploi ici). Pourtant, on apprend par la voix du responsable du PDIE de la Presqu’île (plan de déplacements interentreprises) que « Ce pôle compte aujourd’hui plus de 20 000 personnes mais on attend 32 000 personnes d’ici 2025 avec l’installation de nouvelles entreprises, étudiants, habitants »((Le Dauphiné LIbéré, 06 sept. 2022 : https://www.ledauphine.com/brand-content/2022/09/06/a480-une-attractivite-renforcee-autour-de-la-presqu-ile)). Nous nous permettrons d’exprimer des doutes quant à l’augmentation de 75% des usagers de la Presqu’île dans un délai de 3 ans, alors que « beaucoup d’entreprises ont des difficultés à recruter » auquel s’ajoute les effets du travail à domicile. En outre les évolutions récentes et futures sont situées dans le sud de la Presqu’île, autour de la place Nelson Mandela (Y.spot) ou de la rue Félix Esclangon (Clinatec, Nanobio), un accès en Métrocâble apportera peu d’améliorations aux habitants du secteur nord-ouest par rapport aux trams actuels.
La ZAC Portes du Vercors enfin. De tous les projets d’aménagements prévus, c’est celui le plus directement concerné par le projet de câble, car un tiers du parcours du câble est directement au-dessus de la ZAC. Sur les 2500 logements initialements prévus sur les communes de Fontaine et Sassenage ((Enquête publique 2020 de la phase 1 de la ZAC Portes du Vercors, page 5 : https://www.isere.gouv.fr/content/download/49162/339398/file/Conclusions%20EP%20ZAC%20Portes%20du%20Vercors%20.pdf)), seuls 950 pourront voir le jour à Fontaine suite au classement en zone inondable et inconstructible de toutes les terres prévues sur la commune de Sassenage lors de l’approbation du Plan de Prévention des risques Inondations (PPRI) en 2023 ((PPRI du Drac Aval 17 juillet 2023, page 15 : https://www.isere.gouv.fr/contenu/telechargement/68862/549940/file/3a_PlanA_ZonageReg_PPRiDrac_Appro.pdf)). Sur Fontaine restent 550 logements dans la tranche 1 de la phase 1((Site de la métro, ZAC des Portes du Vercors, https://metropoleparticipative.fr/35-les-portes-du-vercors.htm)) du projet, qui a été approuvée. Les 400 autres logements possibles correspondant à la tranche 2 de la phase 1, qui devra passer par une autre enquête publique.
Ainsi, s’il est vrai que plusieurs projets d’aménagements sont en cours, ceux-ci ont d’ores et déjà été réduits, et le nombre d’habitants supplémentaires peine à justifier une capacité de transport transversale aussi importante que celle prévue par le câble.
Fréquentation
Les promoteurs dimensionnent le projet pour un débit de 600 voyageurs-ses /heure, 1 500 à terme. Or, la fréquentation actuelle des lignes de bus tram existantes montre qu’une telle estimation est démesurée. A titre indicatif, la fréquentation du C6 aux arrêts Oxford et Martyrs-Résistance (Presqu’Ile), d’après les comptages de l’enquête déplacement de la Métro de 2016, est de 453 personnes / jour, avec un pic à 40 personnes / heure en heure de pointe. La ligne 22 à l’arrêt Oxford présente quant à elle une fréquentation de 585 personnes / jour, avec un pic à 55 personnes / heure en heure de pointe.((Smmag, Fréquentation aux arrêts, consulté le 6 avril 2022, disponible sur : https://data-pp.mobilites-m.fr/affluence/ . Enquete de 2016 : sélectionner les fichiers des lignes C6 et 22, et faire la somme des passagers en montée et en descente aux arrêts correspondants, https://data.metropolegrenoble.fr/ckan/fr/dataset/enquete-deplacements-2016 : es-m.fr/affluence/))
Ces chiffres permettent d’estimer une fréquentation actuelle sur les trajets rive gauche du Drac / Presqu’île / rive droite de l’Isère à environ 1000 voyageurs-ses / jour : ceci est loin des 4 600 usager-e-s / jour que prévoit la Métro à la mise en service, qui anticipe jusqu’à 7 700 personnes / jour d’ici à 2035.((Smmag, Dossier de concertation, 1er octobre au 1er décembre 2021, page 6 : https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/09/MNO_TransportparCable_DossierDeConcertationComplet_A3-BD.pdf))
Gain de Temps
Le dossier de concertation affirme((Smmag, Dossier de concertation, 1er octobre au 1er décembre 2021, page 7 : https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/09/MNO_TransportparCable_DossierDeConcertationComplet_A3-BD.pdf)) « Les estimations issues de la modélisation montrent que les usagers des transports collectifs bénéficieront d’un gain de temps moyen d’environ 7 minutes sur le trajet complet qui sera renforcé par une amélioration de la fiabilité du voyage (absence d’irrégularité, ponctualité assurée). » Or le « trajet complet » est le trajet reliant les deux terminus de Fontaine La Poya à Saint-Martin-le-Vinoux, qui concernera bien peu d’usagers s’agissant de deux pôles d’habitations. Considérer le trajet Fontaine La Poya – Presqu’île semble plus pertinent. Or, il existe une ligne de bus descendant du Vercors (T64) qui fait ce trajet en 11 minutes à l’heure de pointe, c’est à dire une minute de moins que le Métrocâble((Fiche horaire de la ligne T64, https://carsisere.auvergnerhonealpes.fr/ftp/documents_CG38/fh-t64-t65-2022-2023.pdf)). Pour un habitant au village de Sassenage qui travaille à la presqu’île, un trajet dans un bus direct jusqu’à la Presqu’île est très certainement préférable à un trajet qui commence en bus puis fait une correspondance avec le Métrocâble, d’autant plus que cette ligne dessert trois arrêts sur la presqu’île.
Avant de se lancer dans un projet aussi coûteux que le Métrocâble, la mise en place d’une ligne de bus test sur le trajet métropolitain de la T64 (au moins toutes les 10 minutes) pendant 6 mois à 1 an entre La Poya et Oxford permettrait une estimation du potentiel de fréquentation sur cet itinéraire. Malheuresement, le scénario bus proposé dans la concertation publique de 2015 est très partial : il compare le métrocâble à l’ajout d’une ligne de bus sur exactement le même trajet que le métrocâble, mais n’évalue pas le maintien et/ou la prolongation des lignes existantes, ou la création d’une ligne de bus sur le trajet métropolitain de la T64 !((Bilan de la concertation publique de 2015, page 30, https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=CJ1P83svch72))
D’autre part, le dossier de concertation passe sous silence que la ligne actuelle C6 qui passe par l’Est de Fontaine n’ira plus jusqu’à la Presqu’île((Voir les différents scénarios prévus lors de la concertation du micro-PDU nord-ouest , page 23-26, https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=8nRBFFA781KH)). Ainsi, pour les 453 trajets directs actuels entre la rive gauche du Drac et la Presqu’île, ceux-ci se feront désormais avec une, voire deux correspondances, ce qui augmentera significativement le temps de trajet (et diminuera l’attractivité des transports en commun pour ces usagers). En effet de nombreux trajets depuis la rive gauche du Drac deviennent plus long du fait de cette suppression et de la correspondance qui en résulte, tel que le révèle l’analyse du collecitf Métrocâble et compagnie((Temps de trajets reconstruits par Métrocâble et Compagnie à partir de tag.fr, des dossiers de consultation et du PDU, https://metrocable-et-compagnie.fr/?p=73)).
De plus, cette augmentation de certains temps de trajet ne prend pas en compte la réduction de fréquentation des transports causée par l’apparition de correspondances sur un trajet. La littérature scientifique a étudié le coût que représente pour un usager le fait d’avoir des correspondances sur son trajet. Dobruszkes et al.((Dobruszkes et al., Réorganisation d’un réseau de transport collectif urbain, ruptures de charge et mobilités éprouvantes à Bruxelles, Journal of Urban Research, 2011, https://journals.openedition.org/articulo/1844)) mentionnent : « qu’une correspondance exige, selon Wardman et Hine (2000 : 40) : un effort physique, d’autant plus important que l’on est âgé ; un effort mental et cognitif, dans la mesure où l’on doit rechercher et interpréter correctement les informations relatives à la correspondance ; un effort affectif, quand la correspondance est source d’inquiétude relative au risque de rater sa correspondance ou à sa sécurité personnelle » et « qu’un usager préférerait donc un trajet direct de 40 minutes qu’un trajet de 30 minutes avec correspondance » en raison du coût subjectif plus élevé associé à la correspondance.
Il existe deux précédents de taille dans l’histoire Grenobloise : deux lignes de bus qui ont été rabattues vers le tramway : la 9 arrêtée à La Tronche-Grand Sablon en 1990 et la 21 à Verdun en 2006. Dans les deux cas, on a constaté que ces lignes qui allaient auparavant en centre-ville, ont subi une baisse massive de leur fréquentation (- 80% pour la 9, – 50% pour la 21).((Avis de l’ADTC sur la prolongation de la ligne E au sud, Mars 2010 : https://www.adtc-grenoble.org/2010/03/17/extension-ligne-e-au-sud-des-grands-boulevards-avis-de-ladtc/))
Coût d’investissement par voyageur et par km
Un des arguments des promoteurs du projet est que le câble est « économiquement avantageux. Le coût par kilomètre du téléphérique urbain est nettement inférieur à celui d’un tramway » ((Document « Le transport par câble », SMMAG, interview de Sylvain Laval p5: https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/12/Telephierique-urbain-2023.pdf)). Mais ce n’est pas une métrique pertinente puisque le câble ne transporte pas le même nombre de voyageurs qu’un tramway : la métrique pertinente est le coût d’investissement par voyageur.km (le nombre de kilomètres total parcourus par les usagers chaque jour, par exemple);
Rappelons que le coût total du métrocâble est de 80 millions d’euros (65 millions pour le cable((Dossier de concertation Métrocâble 2021, page 18, https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/09/MNO_TransportparCable_DossierDeConcertationComplet_A3-BD.pdf)), 15 millions pour la station de la Poya((Dossier de concertation du projet de réaménagement du pôle d’échange multimodal de Fontaine – La Poya, page 7, https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=GzED2AUsbNim)) ; budget previsionnel), il est possible de comparer l’investissement pour le câble avec celui pour le tram E : 300 M€, pour une fréquentation prévue entre 30 et 45000 voyages par jour((Synthèse Projet Ligne E, page 6 : https://www.udhec38.com/file/si1683844/download/synthese_enquete_publique_ligne_e-web-fi25740128.pdf)), et une fréquentation mesurée par l’enquête déplacements 2016 (un an après sa mise en service complète) de 31300 voyages/jour((Enquête Déplacements 2016 par la SMAAG, sélectionner le fichiers des la ligne E, https://data.metropolegrenoble.fr/ckan/fr/dataset/enquete-deplacements-2016)). De plus, cette enquête nous permet de calculer que la distance moyenne parcourue sur le tram E est de 3.3 km, alors qu’elle sera manifestement inférieure sur le câble dont la longueur totale est 3.5 km. En faisant l’hypothèse que cette distance moyenne sera 2.3 km (2/3 de la distance totale), alors 10580 km seront parcourus sur le câble par jour par les 4600 usagers, alors que 103290 km sont parcourus quotidiennement sur le tram E. Rapporté à ce nombre de km parcourus quotidiennement par les usagers, le coût du câble est de 7561 € par voyageur.km journalier, celui du tram E de 2904 € par voyajeur.km journalier, soit 2,5 fois plus cher !
Le coût de fonctionnement (exploitation, maintenance) prévu pour le Métrocâble est 2.4 M€ par an((Cahier de la concertation préalable de 2015, p33, https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=CJ1P83svch72)). Encore une fois, comparons ce chiffre au coût d’exploitation du reste du réseau. Le coût d’exploitation de l’ensemble du réseau TAG est en 2018 de 133.5 M€((Rapport d’activité SEMITAG, p30 : https://www.m-tag.fr/cms_viewFile.php?idtf=2128&path=Rapport-activite-2018.pdf)), pour une distance totale quotidienne parcourue par les usagers de 1.2 millions de km environ((Chiffres estimés à partir de l’enquête déplacements 2016. Pour toutes les lignes de tram, Chrono et Flexo, le nombre de trajets total est connu, et pour certaines (A, B, E, C6), nous avons calculé le nombre total de km parcourus. Pour les autres, nous avons utilisé une estimation de la moyenne de km parcourus par ligne égale à 2.9 (moyenne sur les lignes mesurées), https://data.metropolegrenoble.fr/ckan/fr/dataset/enquete-deplacements-2016)). Aussi, 2.4 M€ de coût de fonctionnement pour environs 10000 km parcourus par an représente un coût de fonctionnement 2 fois plus élevée par passager.km que le réseau actuel (qui comprend toutes les petites lignes flexo et proximo, au coût d’exploitation forcément plus élevé par passager.km que l’exploitation des lignes centrales à forte capacité).
Nuisances
Le projet risque d’augmenter les nuisances sonores et visuelles, en raison des travaux puis de la circulation des cabines. Par ailleurs, un des dommages collatéraux du Métrocâble réside dans l’augmentation des embouteillages entre Sassenage et Fontaine : en effet, les usager-e-s devront se rendre à Fontaine pour pouvoir prendre le Métrocâble, ce qui ne permet pas de décongestionner la route reliant les deux communes.