Environnement

Un coup de pouce à l’urbanisation des terres agricoles (Portes du Vercors)

[ Mise à jour 17/07/23 : La partie du projet d’urbanisation ZAC Portes du Vercors située sur les terres agricoles de la commune de Sassenage est abandonnée, ces terres ayant finalement été classées inconstructibles de par leur trop grand risque d’inondation dans le Plan Prévention Risque Inondation (PPRI) approuvé le 17/07/23 [1]PPRI du Drac Aval 17 juillet 2023, page 15 : https://www.isere.gouv.fr/contenu/telechargement/68862/549940/file/3a_PlanA_ZonageReg_PPRiDrac_Appro.pdf. Nous conservons ici notre argumentaire initial contre ce projet pour mettre en lumière le grand écart de la Métro entre d’une part, l’aveuglement et les moyens mis en oeuvres pour tenter de rendre ces terres constructibles et les bétoniser, et d’autre part la politique écologique qu’elle promeut dans ses supports de communication. ]

Si le transport par câble semble effectivement être l’un des moyens de transports en commun les plus écologiques, il nous paraît important de bien comprendre ce que va permettre ce projet. Il anticipe avant tout la création de nouveaux logements, commerces et bureaux, notamment sur plusieurs dizaines d’hectares de terres agricoles aux Portes du Vercors. On ne peut pas prétendre construire un transport écologique si lui même participe à la bétonisation de terres agricoles, ainsi qu’à la destruction d’un écosystème.

Le projet « Portes du Vercors » prévoit l’aménagement de 96 ha sur une zone majoritairement agricole située entre Fontaine et Sassenage. Les premiers travaux concernent une friche industrielle à Fontaine, et devraient rapidement commencer[2]Mises à jour sur le projet Portes du Vercors, Grenoble Alpes Metropole, 04/01/2022 : https://metropoleparticipative.fr/35-les-portes-du-vercors.htm. En revanche, l’urbanisation de la surface restante a été repoussé suite à l’enquête publique peu concluante[3]Conclusions de l’Enquête Publique de 2017 (au titre de la Loi sur l’eau) : https://www.isere.gouv.fr/content/download/32112/240162/file/ZAC%20Portes%20du%20Vercors_Conclusions%20CE.pdf. L’existence d’un transport par câble, qui suppose l’obtention de « dérogations » spécifiques (dans le Plan de Prévention des Risques Inondation (PPRI) et le Plan local d’Urbanisme intercommunal (PLUi)), permettra de justifier la poursuite de ce projet « Portes du Vercors », qui est actuellement fragilisé par de nombreux éléments :    

  • Les études pour l’élaboration du PPRI pointent un aléa très fort en cas de rupture de digue[4]Direction départementale des Territoires (DDT38), décembre 2021, disponible sur : … Continue reading. Pourtant, à travers la demande d’une classification en  « Zone d’Intérêt Stratégique »[5]Étude d’impact de la première tranche de la phase 1 de la ZAC Portes du Vercors, p 146 : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=K6kr1aIh39Uw, ces terres sont devenues constructibles dans le PPRI 2018 (Plan de Prévention des Risques d’Inondation) établi par la préfecture de l’Isère[6]Analyse du PPRI 2018 par Métrocâble et Compagnie, https://metrocable-et-compagnie.fr/?p=126, augmentant ainsi le risque pour les habitants déjà présents en artificialisant cette zone d’expansion de crue, en contradiction totale avec la réalité climatique qui annonce des épisodes extrêmes de plus en plus violents et fréquents.
  • L’enquête publique portant sur l’urbanisation de la friche industrielle a montré une forte opposition des habitant-e-s au projet général[7]Tribunal administratif de Grenoble, Elegia, Enquête publique « Loi sur l’eau », du 13 janvier au 21 février 2020, disponible sur : … Continue reading.
  • L’étude d’impact environnemental de 2017 fait état d’un risque pour la biodiversité, en particulier pour la chouette chevêche, une espèce protégée[8]Etude d’impact, Elegia, Dossier de demande d’autorisation environnementale, décembre 2019 : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=K6kr1aIh39Uw.

Les élu-e-s ont beau affirmer que les deux projets sont indépendants et se suffisent à eux-mêmes, nous ne sommes pas dupes : le projet Portes du Vercors est mentionné dans tous les documents de présentation du projet Métrocable, et réciproquement.  Par ailleurs, de nombreuses études et documents d’urbanisme attestent que la création de nouveaux pôles de transport s’accompagne nécessairement d’une dynamique d’urbanisation autour de ceux-ci. Le Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Égalité des Territoires va d’ailleurs dans ce sens, en préconisant de « localiser en priorité le développement de l’habitat, de l’emploi, des commerces et des services autour des gares et des arrêts […] », et de « promouvoir la densification et la mixité urbaine autour des pôles d’échanges multimodaux »[9]Région Auvergne Rhône-Alpes, Rapport d’Objectifs, SRADDET, 10 avril 2020, disponible sur : https://fr.calameo.com/read/00011978182e4013b27e1. Une fois le Métrocâble construit, l’urbanisation tout le long du tracé deviendra donc inévitable. 

A l’heure où les changements climatiques menacent la sécurité alimentaire de nos territoires, alors même que le monde paysan en France dépérit déjà faute de politiques soutenantes[10]Association des Greniers d’Abondance, Calculateur de Résilience alimentaire des Territoires, CRATer, Diagnostic du système alimentaire Isère, décembre 2021, disponible sur : … Continue reading, artificialiser encore les terres agricoles nous semble à la fois inopportun et dommageable. 

Rappelons que l’artificialisation des sols a également plusieurs conséquences néfastes pour l’environnement. D’une part, elle complique l’écoulement de l’eau, ce qui est d’autant plus problématique que les installations se situeraient en zone inondable. D’autre part, elle met en danger la biodiversité à travers la fragmentation des habitats. Elle contribue également aux îlots de chaleur, et accélère le changement climatique.

La Métropole prévoit ainsi la destruction de plusieurs dizaines d’hectares de terres agricoles alors que, dans le même temps, elle prétend porter des ambitions fortes en matière de préservation des terres agricoles au sein de son territoire notamment avec son Plan Climat Air Energie ou son PLUi. Elle affirme par exemple dans celui ci, vouloir « lutter contre l’artificialisation des sols » car « sur les 12 dernières années la métropole a consommé près de 47 hectares de foncier par an soit 558 hectares, l’enjeu est d’arrêter cette évolution pour préserver les espaces. Pour cela, le PLUi localise en priorité les nouveaux projets dans les secteurs déjà urbanisées »[11]Document de synthèse du PLUi, 2021 (citation page 5) … Continue reading.  Avec ce projet, la métropole, va complètement à l’inverse de la politique environnementale qu’elle affirme vouloir porter. 

Un gain en CO2 négligeable

Une des approches pour faire face au réchauffement climatique est de limiter nos émissions de CO2 (et autres gaz à effet de serre) au quotidien. Les transports sont un secteur important d’émissions de gaz à effets de serre : près de 30 % des émissions totales de gaz à effet de serre proviennent du secteur des transports[12]The Shift project, « Décarboner la mobilité quotidienne dans les zones de moyenne densité », 22/05/2017, disponible sur : https://theshiftproject.org/mobilite-decarbonee/, et l’énergie utilisée est principalement d’origine fossile. A première vue, le Métrocâble, électrique – donc en grande partie décarboné – pourrait donc être une bonne idée.

D’ailleurs, le dossier de concertation[13]Smmag, Dossier de concertation, 1er octobre au 1er décembre 2021, citations pages 5 et 6 : https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/09/MNO_TransportparCable_DossierDeConcertationComplet_A3-BD.pdf affirme que l’un des objectifs du Métrocâble est de « contribuer à la lutte contre le changement climatique, à la sobriété et à la transition énergétique ». Puis il donne une estimation chiffrée de cette contribution :  « on estime qu’environ 6 000 teqCO2 soit l’équivalent de 6 000 allers-retours Paris-New York en avion seraient évitées sur la période 2024-2070, du fait des kilomètres économisés en bus ou en voiture ». 6 000 teqCO2 en 46 ans, c’est à dire 130 teqCO2 par an. Ce n’est pas beaucoup à l’échelle d’une métropole de 400 000 habitant-e-s… Mais pour se rendre compte à quel point c’est négligeable, il faut mettre ce chiffre en lien avec les objectifs de réduction de CO2 définis dans le Plan Air Energie climat métropolitain[14]Grenoble Alpes Métropole, Plan Climat Air Energie métropolitain 2020 – 2030, page 20 : https://www.grenoble.fr/cms_viewFile.php?idtf=21891&path=Plan-Air-Energie-Climat-complet.pdf : en 2016, les transports émettaient 531 000 teqCO2 sur le territoire métropolitain, et l’objectif pour 2026 est de 420 000 teqCO2, soit une différence de 111 000 teqCO2 par an. Les 130 teqCO2 économisés par le Métrocâble représentent environ 0,1 % de l’effort qu’il faut faire pour atteindre l’objectif que la Métropole s’est elle-même fixée !

A l’heure où lutter contre le changement climatique devrait être une priorité pour toutes les politiques publiques d’aménagement, ce projet n’est donc pas du tout à la hauteur des enjeux auxquels il prétend répondre.

Le Métrocâble est un pied dans la porte pour créer ensuite un téléphérique jusque dans le Vercors ou dans la Chartreuse

En 2012, la Métro lance un projet de liaison par câble entre Fontaine et Villard-de-Lans, dans le Vercors[15]Historique du projet de câble dans le Vercors, 26/09/2014, : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=aU0VL5xBqZDL. Après une opposition de plus en plus forte des habitant-e-s du Vercors, qui dénoncent un « bluff écologique »[16]Blog sur l’opposition au projet dans le Vercors, https://telefeeriqueduvercors.blogspot.com/search/label/bluff%20%C3%A9cologique, le projet est abandonné en septembre 2014.
Toutefois, pour les élu-e-s de la cuvette, l’idée suit son chemin. Ainsi, à la réunion bilan de la concertation publique sur le Métrocâble en mars 2022, L. Thoviste, élu à Fontaine, affirme : « si demain, on peut faire progresser le câble vers le Vercors ou même la Chartreuse, on le fera » [17]Phrase prononcée publiquement à la réunion de restitution de la concertation Métrocâble, 29 mars 2022, salle E. Vigne à Fontaine.
De même que pour Portes-du-Vercors, nous pensons que la construction du Métrocâble dans la cuvette servira de point d’appui pour contourner l’opposition des habitant-e-s et faire passer en force le projet vers le Vercors voir même vers la Chartreuse. Là encore, sous couvert de proposer un transport écologique alternatif à la voiture, l’arrivée d’un transport par câble, va surtout permettre le développement du périurbain dans les zones montagneuse et contribuer à faire augmenter les prix de l’immobilier dans ces territoires déjà en tension. 

Références

Références
1 PPRI du Drac Aval 17 juillet 2023, page 15 : https://www.isere.gouv.fr/contenu/telechargement/68862/549940/file/3a_PlanA_ZonageReg_PPRiDrac_Appro.pdf
2 Mises à jour sur le projet Portes du Vercors, Grenoble Alpes Metropole, 04/01/2022 : https://metropoleparticipative.fr/35-les-portes-du-vercors.htm
3 Conclusions de l’Enquête Publique de 2017 (au titre de la Loi sur l’eau) : https://www.isere.gouv.fr/content/download/32112/240162/file/ZAC%20Portes%20du%20Vercors_Conclusions%20CE.pdf
4 Direction départementale des Territoires (DDT38), décembre 2021, disponible sur : https://www.pontdeclaix.fr/sites/default/files/2022-01/2022-02/PPRI/4-2_anx_20220124_cartesinformatives_zonreg_echcommunale.pdf
5 Étude d’impact de la première tranche de la phase 1 de la ZAC Portes du Vercors, p 146 : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=K6kr1aIh39Uw
6 Analyse du PPRI 2018 par Métrocâble et Compagnie, https://metrocable-et-compagnie.fr/?p=126
7 Tribunal administratif de Grenoble, Elegia, Enquête publique « Loi sur l’eau », du 13 janvier au 21 février 2020, disponible sur : https://ville-fontaine.fr/telechargement/grands_projets/Conclusions-EP-ZAC-Portes-du-Vercors-.pdf
8 Etude d’impact, Elegia, Dossier de demande d’autorisation environnementale, décembre 2019 : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=K6kr1aIh39Uw
9 Région Auvergne Rhône-Alpes, Rapport d’Objectifs, SRADDET, 10 avril 2020, disponible sur : https://fr.calameo.com/read/00011978182e4013b27e1
10 Association des Greniers d’Abondance, Calculateur de Résilience alimentaire des Territoires, CRATer, Diagnostic du système alimentaire Isère, décembre 2021, disponible sur : https://crater.resiliencealimentaire.org/diagnostic/isere
La surface agricole actuelle dans le département permet de répondre à seulement 51 % des besoins des Isérois-e-s. De plus, la population d’exploitant-e-s est vieillissante (plus de la moitié on plus de 50 ans). 
11 Document de synthèse du PLUi, 2021 (citation page 5) https://cloud.grenoblealpesmetropole.fr/index.php/s/mR5o9BHTKQ2Sp8X/download/Grenoble-Alpes%20M%C3%A9tropole%20-%20Document%20de%20synth%C3%A8se%20du%20PLUI.pdf
12 The Shift project, « Décarboner la mobilité quotidienne dans les zones de moyenne densité », 22/05/2017, disponible sur : https://theshiftproject.org/mobilite-decarbonee/
13 Smmag, Dossier de concertation, 1er octobre au 1er décembre 2021, citations pages 5 et 6 : https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/09/MNO_TransportparCable_DossierDeConcertationComplet_A3-BD.pdf
14 Grenoble Alpes Métropole, Plan Climat Air Energie métropolitain 2020 – 2030, page 20 : https://www.grenoble.fr/cms_viewFile.php?idtf=21891&path=Plan-Air-Energie-Climat-complet.pdf
15 Historique du projet de câble dans le Vercors, 26/09/2014, : https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=aU0VL5xBqZDL
16 Blog sur l’opposition au projet dans le Vercors, https://telefeeriqueduvercors.blogspot.com/search/label/bluff%20%C3%A9cologique
17 Phrase prononcée publiquement à la réunion de restitution de la concertation Métrocâble, 29 mars 2022, salle E. Vigne à Fontaine