Un dispositif de concertation qui ne permet pas la prise en compte de l’avis de la population
Les dispositifs de concertation publique qui ont eu lieu jusqu’à présent (en 2015 et 2021) ne sont que consultatifs, et ne permettent nullement de faire entendre une voix d’opposition, pas plus que d’envisager des alternatives((Bilan de concertation 2021 : https://smmag.fr/wp-content/uploads/2022/04/transport-par-cable-bilan_de_concertation.pdf)).
Le projet de Métrocâble a clairement été décidé indépendamment des habitant-e-s des zones concernées : si une réunion de concertation a eu lieu pour l’Argentière, il n’en est rien pour la Saulée, où l’avis des habitant-e-s n’a pas été sollicité.
Les sujets soumis à concertations ont été par ailleurs fort réduits, les habitant.e.s ont été consulté.e.s, mais sur des sujets annexes :
- En 2015, il s’agissait du nombre de stations, du choix des cabines et des pylônes((Dossier de concertation 2015, https://stopmc-drive.mycozy.cloud/public?sharecode=CJ1P83svch72, p. 19-26))
- En 2021, il s’agissait de l’aménagement des espaces publics et de l’intermodalité, et de la configuration intérieure des cabines ((Dossier de concertation 2021: https://smmag.fr/wp-content/uploads/2021/10/MNO_TransportparCable_DossierDeConcertationComplet_A3-BD.pdf p. 37-38)). D’ailleurs, nous avons appris avec étonnement que bien qu’à aucun moment l’intérêt du projet ne soit soumis à débat lors de la concertation (les réunions et questionnaires en ligne étaient très cadrés), l’avis d’une centaine de participants a tout de même été recueilli sur ce sujet, et 90% ont confirmé l’intérêt du projet ((https://www.francebleu.fr/infos/transports/le-smmag-dresse-le-bilan-de-la-concertation-sur-le-futur-telepherique-urbain-de-la-metropole-1648204519))
Le projet a par ailleurs connu des modifications d’ampleur entre les deux concertations:
- Sous-estimation du coût au départ (nous y reviendrons),
- Modification importante du tracé, en 2015 il passait sur la commune de Fontaine au sud de la rue de l’Argentière, et en 2021 sur la commune de Sassenage au nord de cette rue. Cette modification a des conséquences importantes sur les riverains : expropriations, servitude de survol des maisons.
- Dans la concertation de 2015, la « nouvelle station de la Poya » figurait dans le document, pour un coût annoncé de 3 M€. En 2021, le PEM la Poya coûte 15 M€ et cette somme est à rajouter en sus du coût annoncé de 65 M€.
Enfin, aucune enquête sérieuse qui permettrait de justifier l’intérêt de ce projet n’a été portée à connaissance des habitant.e.s. Les documents de concertation se résument ainsi à des documents de communication, autour de 2 ou 3 slogans (« transport peu polluant », « maillage du réseau », « contexte contraint », …)
Le dispositif d’enquête publique attaché au projet de Métrocâble doit se dérouler à l’automne 2022((JT TéléGrenoble du 28 mars 2022 : https://www.dailymotion.com/video/x89g54g)). Le début des travaux est prévu pour le début d’année 2023. Ce délai très court montre le peu de considération portée par les aménageurs à l’avis des publics. De plus, dans la mesure où Grenoble-Alpes Métropole financerait à hauteur de 10 millions (M) d’euros le projet((Rapport de la Cour des comptes sur le SMMAG (2021) : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/ARA202153.pdf p. 69)), ne serait-ce pas légitime d’étendre les contours géographiques de l’enquête plus largement dans la Métropole plutôt que de les limiter aux minimum de personnes qui bénéficieront du service ?
L’avis rendu par la Cour des Comptes
Nous notons que la Cour Régionale des Comptes en 2021, ((https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/ARA202153.pdf p.48)), conteste le choix de ce mode de transport à cause de l’insuffisance des arguments du SMMAG et de l’estimation du coût : « La géographie du territoire est le motif mis en avant par le syndicat pour expliquer le choix de ce mode de transport sur cet axe. L’argumentaire est insuffisamment détaillé au regard des choix opérés sur d’autres parties du territoire également saturés et urbanisés, et du coût estimé du projet. »
Les coûts ont été minorés
Dans le document « Foire aux questions » du SMMAG ((https://smmag.fr/wp-content/uploads/2022/08/FAQ-Partie-1.pdf, p. 5)), le coût de l’investissement est de 64,56M€ HT.
Initialement, en 2015, il était prévu entre 54 et 60M€. En 2017, les chiffres sont 54,2 M€ en investissement (+ 3 M€ pôle d’échanges multimodal La Poya) et 2,4 M€ annuels en fonctionnement ((d’après la Cour Régionale des Comptes p.53 « SMTC de l’agglomération grenobloise. Rapport d’observations définitives et ses réponses, 2014 et suivants Observations définitives délibérées le 9 septembre 2021″ disponible sur https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/ARA202153.pdf)).
Le SMMAG a publié récemment un document « Foire aux questions »((https://smmag.fr/wp-content/uploads/2022/08/FAQ-Partie-1.pdf p. 5)) dans lequel il justifie cet écart. On peut admettre qu’il faille tenir compte de la mise à jour des prix. Par contre, les autres motifs sont difficilement acceptables car ils montrent une défaillance d’anticipation d’éléments à prendre en compte lors des études de faisabilités et d’estimation des coûts : Nous citons
- l’ouverture de deux stations technique(La Saulée et Presqu’île Ouest)
- l’intégration complète au réseau de transport collectif de l’agglomération
- les évolutions du cahier des charges souhaitées par le SMMAG pour le renforcement de l’accessibilité en augmentant le nombre d’ascenseurs
- la prise en compte du nouveau porter à connaissances en matière d’aléas inondation du Drac sur les communes de Fontaine, Sassenage et Grenoble.
La Cour Régionale des Comptes, manifeste elle aussi sa surprise ((Rapport « SMTC de l’agglomération grenobloise. Rapport d’observations définitives et ses réponses » (9 septembre 2021) p. 53 disponible sur https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/ARA202153.pdf)) : « Compte tenu de la topographie du trajet d’implantation, l’absence de prise en compte de ce risque [d’inondation] en amont est surprenante. »
Un financement de l’investissement loin d’être acquis et une faible capacité à rembourser la dette
Sur les 65M€ d’investissement pour le projet câble en lui-même, selon la Cour Régionale des Comptes en 2021 ((cf. dejà cité p.69 annexe 5)) le financement acquis est de 22,6M€ (en janvier 2021);
En août 2022, dans la FAQ déjà citée((https://smmag.fr/wp-content/uploads/2022/08/FAQ-Partie-1.pdf, p.6)) ce sont 27,6M€ qui seraient acquis, le SMMAG prenant en charge le reste.
Mais la Cour des Comptes considère que le SMMAG a une situation financière compliquée et une faible capacité à financer de nouveaux investissements((https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/ARA202153.pdf p.63-64)) :
« Si l’encours diminue, la capacité de désendettement « consolidée » du syndicat est de 46,4 ans en 2019, ce qui est très élevé. C’est en partie la conséquence de la baisse de la CAF [capacité d’auto financement] liée à l’évolution du mode de financement du département et de la Métropole. «
Cette faible capacité est en partie masquée par un artifice comptable : « Cette présentation atypique n’est pas conforme aux règles comptables et affecte la sincérité financière. »
« Aujourd’hui, les subventions d’investissement, par essence non pérennes, du département et de la Métropole permettent de couvrir l’essentiel des dépenses liées au remboursement de la dette. Le syndicat devra donc veiller à maîtriser son endettement, en particulier au regard des investissements programmés sur les prochains exercices. »
Exploitation, maintenance et questionnement au sujet du « marché global de performance »
D’après la FAQ publiée en août 2022 ((https://smmag.fr/wp-content/uploads/2022/08/FAQ-Partie-1.pdf)), « les coûts d’exploitation représentent les dépenses de personnel d’exploitation et d’énergie. Ils sont estimés à 1,2 M€ par an.
Concernant la maintenance, elle sera assurée par le concepteur-réalisateur, dans le cadre du contrat global de performance pendant les six premières années. Les coûts de cette maintenance sont estimés à 1,70 M€ par an durant cette première phase puis 1 M€ par an ensuite. »
On ne peut qu’être surpris de cette réduction des coûts de maintenance. Pour quelle raison ces coûts sont ils significativement plus élevés les premières années, alors que le matériel est neuf, et que la maintenance est réalisée par le concepteur du système? Est-il raisonnable de penser que la maintenance sera effectuée à un coût plus faible dans 30 ou 50 ans ? La Cour des comptes lève une alerte sur ce point, en lien avec le manque d’anticipation de certains coûts inhérents au projet vu précédemment : « Les conséquences financières de cet investissement, en particulier sur la section de fonctionnement, au regard notamment des dépenses prévisibles en matière de maintenance et d’exploitation, frais financiers ou dotations aux amortissements du nouvel équipement sur une durée de 30 à 50 ans, ont été mal anticipées, sachant que les recettes commerciales d’exploitation ne permettraient pas à elles seules d’assurer l’équilibre d’exploitation au regard des objectifs affichés. »
A cela s’ajoute le contenu du contrat passé avec POMA, le marché global de performance. Il a pour objet la conception, la réalisation et la maintenance de la liaison par câble((voir https://www.boamp.fr/pages/avis/?q=idweb:%2220-87785%22)). La cour des comptes constate que « le montage juridique retenu par la délibération de 2017 est particulièrement complexe et appelle des réserves juridiques »((cf. https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/ARA202153.pdf p.52)) notamment, « S’agissant de l’exécution du contrat à venir, le marché global de performance emporte par principe la définition d’objectifs précis de performance en termes de niveau d’activité, de qualité du service, d’efficacité énergétique ou encore d’incidence écologique, mais également d’un calendrier et d’une méthode de mesure et de vérification de ces performances ainsi que de la mesure de leurs conséquences sur la rémunération du titulaire.
En l’espèce, les quelques « exigences performancielles » identifiées dans le programme technique fonctionnel et « performanciel », ne portent que sur des objectifs mesurables au stade de l’exploitation (débit, fréquence, temps de parcours, disponibilité, maintenabilité, tenue au vent, confort acoustique) alors que le titulaire du marché global n’aura jamais la charge de l’exploitation.»
D’après la Cour des Comptes le contenu du contrat n’offre pas de réelles garanties quant à l’atteinte des objectifs affichés.